Entre défiance et confiance, l’enjeu de la rencontre des jeunes des rues

« Depuis le lycée c’est ce que je voulais faire. J’ai décidé de revenir à Mayotte. J’ai de la chance de pouvoir exercer le métier que je désirais. J’évolue. Deviens la personne que tu aurais aimé connaître lorsque tu avais besoin d’aide » Djazmia, éducatrice spécialisée Prévention Spécialisée Mamoudzou/Petite Terre

Dès les années 1950, des initiatives bénévoles sont engagées suite à une prise de conscience de l’importance que des adultes aillent à la rencontre de jeunes et de groupes de jeunes en difficulté ou en rupture sur leur lieu de vie.

Bien qu’en France, les premières expériences reconnues comme fondatrices de la Prévention Spécialisée débutent à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, cette pratique se renforce à la fin des années 60 pour être finalement reconnue officiellement par un arrêté du 4 juillet 1972 intitulé: « arrêté relatif aux clubs et équipes de Prévention ». Ce dernier contient les différents principes fondamentaux de la Prévention Spécialisée tels que la libre adhésion, l’anonymat et l’absence de mandat nominatif.

« Le jeune est premier acteur, l’éducateur de prévention spécialisée et l’animateur se situant plus en soutenant ».

Chez Apprentis d’Auteuil Mayotte, la Prévention Spécialisée est concentrée sur deux zones géographiques : Dzoumogné-Bandraboua et Mamoudzou-Petite Terre. Quatre pôles son principalement représentés : la Prévention, L’insertion, L’Accès aux droits et l’Animation. Pour chacun de ces pôles l’équipe éducative propose au public, en fonction des situations, une orientation vers un partenaire extérieur (Association, droits commun, collectivités, EN…) ou une action portée par le service.

 

L’aller vers inconditionnel

L’absence de mandat nominatif est l’un des principes fondamentaux de la Prévention spécialisée. Il ouvre la possibilité de la libre adhésion et de l’anonymat. En effet, l’éducateur n’est pas mandaté pour s’occuper d’un jeune en particulier, il ne se retrouve pas à devoir accompagner quelqu’un de précis. C’est une demande faite sur une globalité de jeunes, sur le territoire mahorais.

« Dans notre secteur, on va vers tout le monde » nous expliquent les éducateurs.

Cette démarche rompt avec l’idée que l’intervention sociale ferait systématiquement suite à une demande exprimée. Elle permet d’intégrer dans les pratiques les situations de non-demande de certains publics (pas seulement des personnes vulnérables) et engage les équipes à se situer dans une pratique pro-active, pour entrer en relation avec les jeunes.

« À la différence de la PJJ ou l’ASE, il n’y a rien qui justifie au début l’aide que la Prévention Spécialisée souhaite apporter. Il n’y aucune ordonnance, aucun mandat » ajoute Driss Abeka, chef de service de la Prévention Spécialisée Mamoudzou/PT.

Lorsque les éducateurs partent en maraude et présentent leurs missions, il y a souvent plusieurs cas de figures. La situation la plus fréquente est le décrochage de certains jeunes devant l’influence du groupe. Question de fierté, les jeunes ont du mal à évoquer devant un groupe leurs problèmes d’autant plus qu’ils se retrouvent pour oublier, boire, fuir les problèmes familiaux. Peu importe leur situation, ils se retrouvent ensemble car c’est leur seule manière d’exister, ce qui peut mener à poser des actes parfois répréhensibles. Ils peuvent parfois commettre des délits car ces jeunes existent à travers la bande, ils ne sont plus invisibles. Driss ajoute : « Il n’y a rien de pire que d’avoir le sentiment d’être transparent, d’être inutile, invisible ». Le groupe peut alors être un inconvénient comme un atout.

Ni en éducation, ni en formation, ni en emploi, ces jeunes restent dans une oisiveté continue. « Mais tous, au fond d’eux-mêmes, souhaitent s’en sortir » surenchérissent les éducateurs. C’est pourquoi, le deuxième cas de figure apparait lorsque, sortis du groupe, un ou plusieurs jeunes, à l’abri des regards, retrouvent dans une autre rue les éducateurs et demandent de l’aide. Cette aide est le plus souvent d’ordre administratif et/ou d’insertion scolaire.

Prise de numéro, entretien individuel ou invitation à une permanence, c’est à ce moment-là qu’ils parlent de leur situation. « La plupart du temps, ces jeunes venus nous voir de leur propre chef, viennent en permanence » ajoute Djaouria, éducatrice.

Un autre cas de figure est la rencontre directe sur le terrain avec des parents, un membre de la famille des associations.  « On mentionne les tranches d’âge (11-25ans), on est sur de l’information, on informe sur ce que l’on peut apporter au jeune. Cela arrive qu’un ami ou un membre de la famille partage notre numéro avec un jeune qu’ils connaissent, en difficulté ».

 

Relation de confiance

Dans le cadre d’un mandat institutionnel non nominatif, la seule légitimité de l’action dépend de la relation de confiance qui s’instaure entre les jeunes et les éducateurs ou l’équipe éducative. Celle-ci met en œuvre des actions individuelles et de groupe et prend en compte la personnalité globale de chaque jeune. Elle prolonge son action à l’ensemble des sphères relationnelles: la famille, l’école, les organismes de formation, le monde du travail … et engage, pour ce faire, des partenariats pluriels et des actions collectives au niveau de la communauté de vie. Prendre en compte la singularité de la personne est une notion essentielle pour les équipes.

Le public de la Prévention Spécialisée est en constante évolution et ce n’est ni l’âge ni même une difficulté qui le caractérisent mais une combinaison de facteurs individuels et collectifs. La situation sociale et la complémentarité des autres dispositifs orientent majoritairement cette action en direction des 11-25 ans.

Le fait d’être désormais reconnus, de différentes façons, « emplois du temps stables sur le terrain, venues répétées, nos tee-shirts, nos maraudes, le logo sur les voitures nous permettent aussi d’installer une relation qui favorise l’intégration au sein d’un quartier. ». Mais il peut y avoir de la défiance. « Certains jeunes ont cette impression de passer à côté de leur enfance, que leur jeunesse a été volée. » Ils testent la relation en observant si l’éducateur ou l’animateur est capable d’aller jusqu’au bout de ce qu’il a promis. « La posture est importante, cela signifie beaucoup de choses, quand tu dis quelque chose, tu le fais. Etre exemplaire face au jeune en prouvant ton intégrité, c’est une des clefs de la relation de confiance » exprime Driss.

Deux postures se mêlent dans le travail quotidien, la posture professionnelle et la posture conviviale. Il est important de comprendre que ces deux postures ont pour même but d’augmenter l’estime de soi du jeune, de le soutenir et l’aider : accompagner l’individu à se sentir au mieux dans la société et dans son fonctionnement, d’acquérir des outils pour avancer au mieux dans la vie. Pour cela, les deux axes sont nécessaires, il faut trouver un juste équilibre. Il faut prendre en compte l’individu avec sa personnalité, son parcours, ses forces et ses faiblesses, mais aussi l’environnement dans lequel on agit. Ce n’est qu’alors que l’éducateur peut se positionner de façon plus axée sur l’affectif ou sur le normatif.

De belles retombées administratives pour les jeunes permettent également de communiquer très positivement sur le dispositif ainsi que les actions proposées par les animateurs qui sont force de cohésion, création de lien et de confiance. Ces activités hors quartiers montrent un autre visage autant des jeunes que de l’équipe éducative.

Le binôme, une stratégie professionnelle efficiente

La rencontre s’opère au minimum en binôme (éducateurs), configuration qui semble être la meilleure pour s’adresser à un inconnu. En effet, l’introduction d’un tiers permet de multiplier les manières d’accueillir, écouter, se positionner, proposer, cheminer…

« La question du binôme, c’est se compléter par rapport au travail. Ça apporte un plus en connaissance, on n’a pas la même approche. Travailler en binôme c’est passer le relai et l’autre regarde, analyse ; le binôme peut être un soutien émotionnel. Le binôme, c’est aussi se protéger. » Djzamia, Djaouria, Hairiya

L’intérêt d’intégrer une parité dans l’équipe est de pouvoir s’adapter à chaque situation et elle est plus rassurante. « Parfois, un jeune va vouloir l’écoute de Djazmia alors qu’une jeune fille aura besoin de l’écoute d’un grand frère que je peux être à un temps donné. Mais une autre jeune fille souhaitera se confier à une femme concernant une demande très intime » Djounaidi.

Selon les éducateurs et animateurs, la stratégie la plus probante est de s’avancer vers le jeune avec un ton léger, un ton même humoristique, la posture professionnelle n’étant pas mise en avant en premier lieu pour ne pas brusquer les jeunes.

Les moyens/temps d’accroche

Comment capter les jeunes par rapport aux infos qu’on leur donne ? C’est quoi être acteur ? « On souhaite que le jeune soit acteur de sa vie. » mentionne Driss.

Quels sont leurs soucis premiers ? La demande administrative est la porte d’entrée, mais la demande implicite est l’insertion dans la société également, la reconnaissance identitaire, mais cela peut être aussi une grande souffrance intérieure. Ce n’est pas seulement le problème administratif qui est forcément la priorité. Hairiya nous raconte la rencontre avec une jeune femme venue pour des problèmes administratifs. Au cours du premier échange, les mains tremblotantes, la jeune femme avouera un mariage forcé et l’envie d’être aidée pour ne plus subir de violences diverses ». Hairiya

Il faut que les jeunes se sentent en sécurité, il est donc du devoir des équipes de rappeler le cadre lorsque c’est nécessaire : anonyme, non-institutionnel, libre adhésion, non-affiliation à la police, cadre secret des échanges etc.

L’accroche est primaire au début, l’équipe reste dans un mouvement d’information et de sensibilisation. Au fur et à mesure des échanges, les jeunes réalisent qu’ils peuvent être à l’aise pour parler d’autres sujets, aller vers des sujets plus délicats. Une autre stratégie d’accroche est de laisse le temps au temps, donner les informations coup par coup. Il est très important que les équipes soient formées aux thématiques de sensibilisation à la sexualité, violences sexuelles sur mineurs etc. Après plusieurs échanges, la libération de la parole apparait, vivace ou encore à demi-mot. Les jeunes mentent donc parfois au premier abord sur leur premier besoin d’accompagnement, leur priorité.

« Lorsque ce sont les parents viennent vers nous, nous les écoutons mais cherchons rapidement à laisser la parole au(x) jeune(s) concerné(s). » conclut Djazmia.

Communication verbale et non-verbale

La pratique de l’accompagnement fait de l’écoute le premier pôle de la fonction d’un éducateur. Ce poste exige que l’on soit sans cesse à l’écoute du cœur de l’autre. Pour écouter, il faut : être disponible, accueillir l’expression de l’autre, réfléchir à la pensée de l’autre, réagir à sa pensée

« Parfois, je laisse le silence, et le/a jeune peut à son tour parler » soumet Hairiya. «  Le non-verbal que nous transmet la personne que nous approchons nous permet de savoir si nous pouvons aller vers ce jeune ou non » ajoute Djazmia.

Cette écoute entendue est une écoute qui se centre sur la personne du jeune, c’est une attitude faite à la fois de disponibilité, d’ouverture, vers toutes ses expressions, vers sa parole comme vers ses silences. Etre capable d’introspection et donc d’empathie est un véritable atout pour l’éducateur.

C’est en développant ses compétences d’observateur que l’éducateur avancera dans sa compréhension de la situation. Il pourra ensuite développer des hypothèses de travail, poser un « diagnostic éducatif » qui lui permettra de choisir les moyens appropriés pour son action.

Présence régulière

La présence sociale s’inscrit dans le champ éducatif et social, c’est le point d’ancrage d’une démarche plus globale référée à un projet pédagogique d’équipe et intégré au projet de l’association Apprentis d’Auteuil Mayotte.

Cette notion, « d’aller vers », est prise en compte pour les équipes de différentes façons. Les éducateurs, lorsqu’ils se déplacent dans les quartiers, sont contactés de façon directe soit par les jeunes et/ou les familles. Bien souvent, il leur sera nécessaire de préserver des temps de rencontre qui permettent de contacter d’autres groupes ou personnes.

La présence sociale est vraiment le moyen nécessaire pour établir des rencontres, connaître le quartier et se faire reconnaître dans une place professionnelle. Pour ce faire, les équipes se trouvent une fois par semaine dans un quartier. « Mais c’est insuffisant » explique Zamil « Pour être efficaces, il faudrait plus d’éducateurs et surtout plus d’animateurs ». En effet, Zamil et Tala sont les deux animateurs proposant des activités dans les trois secteurs : Mamoudzou 1, Mamoudzou 2 et Petite Terre.

 

Éducateur, une personne ressource

« C’est une chance que je sois là aujourd’hui, je n’ai pas le diplôme d’éducateur et j’ai appris énormément de choses sur le terrain et je suis très contente de pouvoir aider beaucoup de jeunes dans tout ce qui est administratif, insertion. On m’a donné ma chance et c’est à mon tour de donner la chance aux autres. Nous avons Driss en soutien qui nous aiguille » Djaouria

Les pôles

Comme nous le mentionnions plus haut, la Prévention Spécialisée est organisée en quatre pôles: Prévention, Insertion, Accès aux Droits, Animation. Au sein du Pôle Prévention, plusieurs ateliers se sont mis en place. L’atelier parentalité a été intégré par les éducateurs pour les mères et filles. Le principal objectif est que les mamans considèrent les besoins de leurs filles et ne les enferment pas dans un rôle traditionnel. Un projet en plusieurs temps: 3 séances de sensibilisation auprès des mamans, puis 3 séances auprès des enfants et enfin 3 séances entre mamans et filles et une sortie culturelle commune. Les ateliers mis en œuvre par les équipes éducatives sont souvent soutenus par un partenaire externe qui est spécialisé dans le domaine défini. Comme la DEAL qui a organisé avec l’équipe une sensibilisation auprès des parents-enfants sur la Prévention Routière. La prise de risque dans les rues de Kaweni de jeunes âgés environ entre 11 et 16 ans ont convaincu la Prévention de la nécessite de créer cette action.

Sensibilisation à la Prévention Routière

Le pôle Insertion fonctionne grâce aux orientations que la Prévention Spécialisée effectue avec les dispositifs d’Apprentis d’Auteuil Mayotte et les partenaires externes. Au sein de l’association, un pôle Prévention/Protection s’est crée où les dispositifs Prévention Spécialisée, M’Sayide et Daradja travaillent en étroite collaboration. L’équipe éducative peut alors faire de l’insertion scolaire et professionnelle. Des places peuvent donc s’ouvrir chez M’Sayidie ou notre Lycée d’enseignement adapté.

Comme pour l’insertion professionnelle où nos dispositifs d’accompagnement vers la formation comme Oumeya et Boost Hima Shababi peuvent prendre le relai. A l’intérieur de ce pôle, la Prévention Spécialisée a également mis en place des chantiers éducatifs. Un premier aura pour fonction de nettoyer le jardin partagé à la Vigie en Petite Terre, en lien avec l’intercommunalité. Ils seront accompagnés par un agriculteur et un agronome. Un deuxième chantiers sera organisé avec les Naturalistes de Mayotte pour se rendre sur l’îlot Mbouzi et nettoyer le site, arracher les plantes invasives etc, après avoir été sensibilisés sur les espèces protégées et la végétation primaire. Un troisième souhait serait de restaurer la MJC de Vahibe. “On essaye de constituer nos ateliers pour pouvoir en proposer à moyen terme. La demande est énorme et l’offre n’est pas adaptée”. Driss

 

Les jeunes sur l’îlot Mbouzi écoutant un Naturaliste

Pour développer le pôle Accès aux Droits, les éducateurs se spécialisent pas à pas dans la constitution des dossiers, évaluer le droit à la régularisation et le dépôt des dossiers à la Préfecture. Enfin, le pôle Animation a ouvert de nombreuses perspectives (cf. Animateur, un pilier pour le dispositif). Deux derniers volets constituent aussi le socle de la Prévention Spécialisée: “Besoins Alimentaires” et “Danger Immédiat”. Ce dernier est une priorité absolue et prime sur les autres pôles. En effet, toutes situations de violence, viol, inceste, sont à considérer en urgence. La Prévention est en lien avec l’ACFAV , l’ASE, la CRIP(cellule de recueil d’informations préoccupantes). Celle-ci doit dépêcher des éducateurs sur le terrain et trouver un logement d’urgence le dossier est amené directement au Procureur.

Les outils

Pour la Prévention Spécialisée, il y a deux missions principales pour l’outil de reporting: accompagner les jeunes en situation de marginalisation et faire un diagnostic de territoire. Un tableau excel leur permet de prouver les pourcentages des jeunes dans chaque quartier en situation de demande. Cet outil existe depuis trois mois et renseigne sur le contexte de la rencontre, le profil de chaque jeune, son orientation à l’interne ou l’externe. Il est aussi important pour l’équipe pour suivre les accompagnements que pour les preuves fréquentes que demandent les autorités publiques. Les fiches d’entretien individuels qu’utilisent les éducateurs sont aussi un outil pour le diagnostic territorial.

Le tableau de bord est un nouvel outil pour faciliter la communication entre éducateurs dans un secteur, et les éducateurs des 3 secteurs. Ils apprennent à planifier leurs activités. “Il y a un rapport au temps différent ici, c’est un rapport plutôt cyclique dans les sociétés traditionnelles, on va vers ce que l’on est connait alors que culturellement au sein des sociétés occidentales, on se projette”. Dans l’accompagnement éducatif, il est impossible d’agir dans l’improvisation au quotidien. Ils apprennent donc à se fixer des objectifs.

Sur les quatre pôles, constituer un tableau bénéficie aussi aux partage de nos activités aux partenaires associatifs afin de faire participer aussi les jeunes qu’ils accompagnent.

 

Animateur, un pilier pour le dispositif

« L’animation pour lutter contre l’oisiveté, c’est un bon début ! » Zamil, animateur à la Prévention Spécialisée Mdz/Petite Terre

Les jeunes et les adultes, rencontrés par les équipes de Prévention Spécialisée, ont des formes d’expression qui se situent souvent dans des registres de revendications et de réclamations teintées d’un sentiment d’injustice ou de discrimination.

« En matière de Prévention Spécialisée, le seul critère de pertinence est celui de l’efficacité de l’action. » Agora 92 : les états généraux de la prévention spécialisée.

Les activités que proposent Zamil et Tala sont « un média extraordinaire » selon Driss pour rencontrer les jeunes. « C’est une autre façon d’aller vers, on propose quelque chose ! » ajoute Zamil.

Les animateurs ici ne sont pas comme des animateurs en centre de loisirs, on est en lien avec les éducateurs. C’est une combinaison très efficace pour créer du lien et orienter. « Les animateurs sont en première ligne, on s’incruste, avec du matériel, avec des outils simples : un ballon de foot, de l’eau fraiche, une guitare, une enceinte etc. On fait des freestyles avec eux, on leur laisse le choix du son sur YouTube. On amène une ambiance enfantine ». Ils sont toujours accompagnés d’éducateurs, pour la prise de contacts, pour prendre le climat du quartier.

Une activité qui a été très mise en avant cette année est bien sur le football avec 3 matchs de foot proposés dans chaque secteur et un tournoi pour les 11-14ans entre Labattoir-Pamandzi, Kaweni-Mgombani, Passam/Vahibe/Tzoundzou. « On mélange les jeunes et lors du tournoi, c’est le même système » nous explique Zamil. Un très beau succès avec 125 jeunes pour le Tournoi de l’amitié. « Une manière d’être identifié, de gagner du terrain en nous approchant des plus jeunes avec l’objectif prochain de matchs de foot pour les jeunes de 15-20 ans ».

La réussite du premier tournoi nous facilite l’accès aux plus grands car ils ont vu les bénéfices de l’accompagnement de leurs petits frères avec nos activités. » Les propositions de Zamil et Tala s’organisent selon les besoins observés sur le terrain et la concertation avec Driss et les éducateurs. Les éducateurs vont faire systématiquement des “Visites à Domicile” chez les jeunes. “Le tournoi de foot n’était pas une finalité mais tout le travail en amont qui réunissaient des jeunes des 4 secteurs” ajoute Driss.

Il y a aussi un objectif considérable lors de ces créations d’activités : réunir des jeunes en difficulté et de différents quartiers qui pouvaient potentiellement être en conflit. « Lors du camp sportif cet été, nous avons mélangé des jeunes de différents quartiers. Des jeunes en conflit se sont retrouvés dans le même projet et Darday, une éducatrice, a pu intervenir pour faire de la médiation » s’exclame Zamil.

Il ajoute : « Je n’avais pas l’habitude de travailler avec des jeunes en difficulté, j’ai été éducateur sportif avant. Au début, je n’étais pas serein dans certains quartiers, on ne pouvait quasiment pas entrer. À force de proposer des activités de manière régulière, le lien s’est installé et d’autres jeunes viennent vers nous. Je pense qu’initier les éducateurs à l’animation serait la clef de l’interaction entre nous tous et les jeunes. »

Street session et freestyle

La créativité, ce sont premièrement nos outils : l’échéancier, les fiches action améliorées, les autorisations parentales, les outils pour la mise en place de projets mais aussi les idées d’activités que nous avons par la suite mises en place ou celles restant encore en suspens : le baptême de plongée sur le catamaran O’bulles, la sensibilisation aux tortues avec Oulanga Na Nyamaba, le kick boxing, les street sessions, l’organisation d’une kermesse, les sorties lagon etc.

Service civique, un tremplin pour les jeunes à la Prévention

« Un ami de ma mère m’a mis en relation avec Zamil. Je ne savais pas même pas que la Prévention Spécialisée existait depuis longtemps de manière générale. Je suis content, je n’ai pas trouvé moi-même des gens qui pouvaient m’aider alors maintenant quand je vois que je peux accompagner des jeunes, je me dis que c’est important que ça devienne mon rôle aujourd’hui et ça me plait » Farouk

Les jeunes en service civique accompagnent les équipes en maraude ou visite à domicile.

Depuis 3 mois, Farouk est accompagné par Zamil sur un projet « sortie bateau » le 9 octobre. Une parité exigée, 8 jeunes des différents secteurs sur lesquels la Prévention travaille. Etre en service civique à la Prévention Spécialisée permet d’appréhender la gestion d’un projet, apprendre à remplir une fiche action, une autorisation parentale, pourvoir interagir avec tout le monde : éducateurs, animateurs, partenaires extérieurs, chef de service et bien sûr, la prise de parole en public. Un deuxième projet s’enchainera sur une mise en scène théâtrale d’un comte autour de la pollution autour de 8 jeunes. Interprétation d’un texte, petites scénettes, tout cela organisé entre autre par Farouk !

“Ce qui manque à Mayotte, c’est l’aller vers” résume Driss. Aller sur le terrain avec du matériel change automatiquement la donne. Un ballon de foot dans un quartier pour aller vers les jeunes. Venir directement sur le terrain pour proposer un atelier sensibilisation pour la contraception donne plus envie aux jeunes femmes de s’y intéresser. L’aller vers, un enjeu pour Mayotte.