Résidence artistique avec la Prévention Spécialisée

Quatre jeunes ont pu participer à la résidence artistique qui s’est tenue au Centre Equestre d’Hajangoua fin novembre. Quatre jours pour créer une chanson sur le vivre-ensemble

Quatre jours coupés du monde. Quatre jours pour se connaitre et créer. Quatre jours de progression et de fierté. C’est ce qu’ont proposé Tala et Zamil, les deux animateurs de la Prévention Spécialisée à quatre jeunes venus de différents quartiers entre Mamoudzou et Petite Terre. Accompagnés d’un coach hors du commun, ces quatre jeunes hommes ont créé pas à pas une chanson ensemble. Du choix des instruments à l’assemblage du texte, la liberté était totale pour ce projet.
“Je pense qu’ils se sont sentis accueillis car je les ai vraiment impliqués” nous explique Maya, la coach. ” Ils ont une sorte de rage, colère, que je comprends. Sur certaines choses, j’ai leurs codes. J’analyse leurs comportements et j’essaye d’arroser uniquement les côtés qui les feront progresser personnellement, je félicite quand il faut féliciter, je soutiens quand il faut soutenir mais je peux être aussi dure, comme une grande sœur ». Et cela fonctionne…

Durant ces journées de préparation, les jeunes feront sentir qu’ils ont envie et besoin que l’on leur apporte un cadre. Mais ils apprendront très rapidement que c’est eux qui ont ce projet entre leurs mains. C’est eux qui détiennent la réussite ou non de ce moment, de cette chanson. Tout le matériel est mis à leur disposition. “Ils voulaient des explications, des applications et de l’implication. La musique est un sujet qui leur tient à cœur.” ajoute Maya.
Maya est également présente pour démystifier la musique: ce n’est pas produire une chanson que de poser simplement sa voix sur une musique, les vidéos youtube ne sont pas forcément rémunératrices etc. Les jeunes ont également découvert ce que représente un instrumental et comment lier l’instrument à l’émotion souhaitée dans chaque texte. Découpé en quatre morceaux bien distincts: rap, zouk, dance hall, sonorités locales, chaque jeune a construit pièce par pièce le texte et poser l’instrumental et vice et versa. Les deux ateliers étaient totalement liés entre eux. Il n’y avait pas d’ateliers d’écriture puis d’ateliers « instruments ». Pour laisser place à une plus grande créativité, le coach leur a laissé le libre choix de passer de l’un à l’autre en écoutant leur cœur, leurs ressentis.

C’est une construction empirique. On crée quelque chose en musique et cela nous fait penser à une phrase ou deux que l’on aimerait développer sur celle-ci. Et lorsqu’il chante, le jeune réalise qu’il manque un effet de son particulier etc. La texte se crée grâce à la musique et la musique grâce au texte, c’est une harmonie. “Ils parlaient souvent de la mélancolie. Alors ils m’ont demandé par quel instrument on pouvait illustrer ce sentiment par exemple. Dans le rap, la mélancolie est sublimée. La mélancolie c’est une gloire dans ce genre de textes”.
Pourquoi adopter cette méthode ? Car les jeunes sont construits de cette manière, ils voient au jour le jour. “Dans une partie de la chanson, on a commencé à parler de “demain”, un jeune était mal à l’aise. »

Au moment d’enregistrer le ficher pour l’enregistrement, ce sont les jeunes eux-mêmes qui ont donné le titre de leur chanson: “La paix”. Ils se sont tout de suite mis d’accord sur le thème qu’ils allaient aborder. “Je pense qu’ils se sont investis car ils voient également à quel point les animateurs sont là… Pour tout.” exprime Maya. Le vivre ensemble de la façon la plus concrète car ils ont passé 24/24h au Centre Equestre d’Hajangoua du samedi 27 novembre au mardi 30 novembre.
Dans ce genre de lieu où calme et apaisement règnent, les jeunes hommes se sont très vite pris au parti de chanter pour un “demain possible”, de scander un “stop aux violences”. Le calme mental qui s’installe loin de toute agitation leur permet de se (re)découvrir. Maya reprend: ” Je reste persuadée que notre cadre fait ce que l’on devient. Nous ne naissons pas violents.” Ces jeunes ne se connaissent pas encore. “Hier, un des jeunes me dit qu’il n’est pas très à l’aise à parler de la paix, alors je lui demande s’il veut parler de la guerre mais il décline. Alors je lui exprime tout simplement qu’entre la paix et la guerre, il y a quelque chose, c’est à lui de trouver, de se trouver”.

Une discussion s’est agencée pour comprendre ce qu’était la violence, qu’est ce qui fait que l’on le devient. Si le jeune décrivait une peur de parler de l’avenir, le coach les soutenait sur le fait qu’ils n’avaient pas pour autant rien à dire. Au contraire, c’est leur quotidien. “Et si on parlait que tu n’as pas de demain? On sait qu’on ne veut plus de la violence mais toi, tu le vis comment à l’intérieur de toi, qu’est-ce que tu ressens au fond de toi?” leur demandait Maya.
Cette résidence agit comme une thérapie: “au lieu de plaquer tes frustrations par la violence, mets de l’énergie sur tes qualités, bats-toi, et fais ta place.”

Tomas a 17 ans et vient de Labattoir. Il a déjà rencontré Charaf, 18 ans de Vahibé présent également pour ces quatre jours lors d’un camp nature avec la Prévention Spécialisée. Ils connaissent le dispositif depuis 5-6 mois. “On voulait faire un feat ensemble et les deux animateurs ont organisé par la suite cette résidence”. Les deux jeunes expriment le souhait d’arrêter de délimiter les jeunes par rapport à leur quartier. “Je suis né à Mayotte, je ne comprends pourquoi je me fais refuser parfois l’entrée dans un quartier, pour moi ça n’a pas d’importance mais ici c’est comme ça que ça marche, il faut un laisser passer”. L’objectif de cette chanson est de mettre en avant l’alliance que les jeunes pourraient créer ensemble si on prenait juste le temps de se connaître.

Certains ne savent pas lire ni écrire alors pour y pallier, Maya leur propose de créer des mémos sur les téléphones. Mais le but est d’être concentré et de ne pas être sollicité par cet outil du quotidien. Et ils l’ont accepté et compris, ils ont même refusé les appels des proches durant ces journées !

Nous attendons désormais fébrilement le résultat final qui est travaillé par Maya. L’envie de vous montrer ce qui se passe au cœur du terrain est extrêmement important, une autre réalité que l’on peut découvrir à travers ces jeunes. Ces jeunes sont épatants, lucides, compétents. Il suffit d’un cadre et de la confiance pour qu’ils puissent nous montrer tous leurs talents trop souvent cachés ou méconnus.